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Roadside Lights I & II © Eiji Ohashi
« Distributeurs automatiques » d’Eiji Ohashi (大橋英児)
Temps d'écoute ⏰ 5 minutes 27
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(Le podcast est uniquement en français. Pour la traduction anglaise, vous trouverez ci-dessous le texte qui sera automatiquement traduit en anglais en cliquant sur le drapeau anglais)
Bienvenue sur Instant POD, le podcast minute de Charlène pour Sugoi Photo consacré l’actualité photographique nippone. Instant POD, c’est un mot-clé, un artiste ou une photo en lien avec cette actualité pour en découvrir plus sur la photo japonaise contemporaine.
Aujourd’hui, nous nous intéressons aux distributeurs automatiques du photographe Eiji Ohashi.
Il y a plus de 14 ans, Eiji Ohashi a débuté une étrange série consacrée à un objet non moins étrange : le distributeur automatique, ou jidôhanbaiki en japonais, couramment abrégé en jihanki.
Récompensé par plusieurs prix internationaux, tels le Moscow International Foto Awards (2016), le Photo-eye Best Books (2017) ou encore le Special Photographer Award du 34e Higashikawa Awards (2018), Eiji Ohashi a publié au fil des ans 3 ouvrages entièrement consacrés aux distributeurs automatiques : Roadside Lights (paru chez Zen photo gallery en 2017), Being There (en 2017, chez Case publishing), et enfin Roadside lights Seasons: Winter(chez Case publishing, en 2020).
Le jidôhanbaiki est un objet du quotidien pour les Japonais, apparu pour la première fois dans l’Archipel en 1888, mais développé en masse à partir des années 1960. Dans tout le pays, à tous les coins de rues, dans les ruelles des campagnes comme sur les avenues urbaines (surtout à Tokyo), on trouve pléthore de ces distributeurs proposant principalement de la nourriture sous vide, des paquets de cigarettes ou encore des boissons en cannettes ou en bouteilles. Ces dernières représentent à elles seules plus de la moitié du nombre de jidôhanbaikiau Japon, soit plus de 4 millions de machines au total. Sans oublier les distributeurs de marchandises plus « confidentielles », de type petites culottes neuves ou usagées, homards vivants ou encore fromage à raclette !
Pourtant, concurrencés par les supérettes konbini ouvertes 24h/24 et 7j/7, le nombre de distributeurs ne cessent de diminuer dans les centres urbains depuis le début des années 2000. Toutefois, dans les lieux les plus reculés ou les moins accessibles à l’homme – ou aux supérettes ! –, comme les montagnes d’Hokkaido, l’île la plus au nord de l’archipel nippon, où est né, vit et travaille le photographe Eiji Ohashi, le jidôhanbaiki reste une valeur sûre, pérenne, rassurante.
« Rassurant » n’est pas un vain mot dans le cas d’Eiji Ohashi, qui a fait du distributeur automatique son totem. En effet, il affirme que la présence de ces machines dans les coins les plus isolés, dépouillés de toute présence humaine, a quelque chose de l’ordre du rassurant : la lumière électrique qu’elles émettent en continu leur donne un air presque chaleureux, telle la lueur salvatrice d’un phare perdu dans l’immensité, qui vous indique que vous n’êtes pas seul au monde.
Plus que de la photographie documentaire ou anecdotique, ce sont de véritables portraits photo de ces machines que réalise Eiji Ohashi depuis 2008. Le photographe y voit en effet une similitude avec les êtres humains. Comme nous, les jidôhanbaiki sont exposés à la solitude, surtout dans les vastes espaces d’Hokkaido ; comme nous, ils doivent être attirants sous peine de disparaître, travailler sans relâche pour mieux vendre. Pour le photographe, il y a définitivement quelque chose d’humain dans ces machines serviles, esclaves de notre bien-être, que l’on ne remarque même plus, mais que l’artiste cherche à révéler par ses photographies. En d’autres termes, capturer l’invisible de notre quotidien et le dévoiler sous un jour nouveau par ses photos.
Eiji Ohashi a photographié des distributeurs automatiques sous tous les angles, à toutes les saisons, en couleurs et en noir et blanc, de jour comme de nuit. Principalement au crépuscule ou juste avant l’aube, au cœur de l’hiver enneigé, pour les photos parues dans sa dernière publication Roadside lights Seasons: Winter. Une seule constante dans toutes ces photographies : les paysages mettent en scène les distributeurs d’Hokkaido rencontrés lors des déambulations du photographe, qui se plaît à chercher de nouveaux jidôhanbaiki, comme on chercherait à rencontrer de nouveaux amis.
Charlène Veillon
Historienne de l’art. Docteure en photographie japonaise contemporaine
- Site Internet d’Eiji Ohashi : https://eijiohashi.com/en/works
- Publications d’Eiji Ohashi : https://eijiohashi.com/en/publishing
- Article « Les distributeurs automatiques en difficulté face aux supérettes japonaises », Nippon.com, 2018 :https://www.nippon.com/fr/features/h00258/
- Exposition : A la galerie Akio Nagasawa Gallery Aoyama https://www.akionagasawa.com/jp/exhibition/roadside-lights/
podcast © Charlène Veillon & sugoi.photo, image © Eiji Ohashi