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"Neko", le chat dans la photographie japonaise contemporaine
Dans l’ordre d’apparition ©Shoji Ogawa / Hiromi Kakimoto / Toshiko Hashimoto. Ce projet est présenté cet été en Italie, cliquer ici pour plus de détails.
Temps d'écoute ⏰ 6 minutes 19
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(Le podcast est uniquement en français. Pour la traduction anglaise, vous trouverez ci-dessous le texte qui sera automatiquement traduit en anglais en cliquant sur le drapeau anglais)
Bienvenue sur Instant POD, le podcast minute de Charlène pour Sugoi Photo consacré l’actualité photographique nippone. Instant POD, c’est un mot-clé, un artiste ou une photo en lien avec cette actualité pour en découvrir plus sur la photo japonaise contemporaine.
Aujourd’hui, nous nous intéressons au chat dans la photographie japonaise contemporaine.
Neko est le mot japonais pour désigner le chat. C’est aussi le titre d’un projet initié en 2017 par la collectionneuse et spécialiste de la photographie japonaise Sophie Cavaliero. Neko Project s’articule autour du rapport particulier entretenu de tout temps entre les chats et le Japon, vu à travers la photographie nippone. Neko se décline en une publication parue en 2019 aux éditions iKi, ainsi qu’en diverses expositions tenues en 2019 en France, en Belgique et en Hollande, et en 2022 en Italie. 1
Pour la petite histoire, en 2017, 87 photographes japonais ont répondu à l’appel à projet Neko lancé par Sophie Cavaliero. Un jury, composé de galeristes, de directeurs photo et de photographes, a sélectionné 10 projets présentés en détails dans l’ouvrage Neko. Le livre expose également les autres propositions, de manière plus rapide, avec en bonus un article sur Kai Fusayoshi, que l’on peut considérer comme le précurseur de cette «photographie de chat» mise en lumière dans l’ouvrage.2
Le projet est parti du constat de l’omniprésence des chats dans la culture japonaise. En littérature, avec par exemple le roman du début du XXe siècle Je suis un chat de Sôseki Natsume, critique acerbe de la société de Meiji à travers le regard d’un chat ; ou encore du livre de 1936 Le Chat, son maître et ses deux maîtresses écrit par Jun’ichiro Tanizaki, où la petite chatte Lily sert d’otage à un trio amoureux. Les chats au Japon sont aussi omniprésents dans le quotidien des gens, dans le folklore ou encore dans la culture populaire, de la star bientôt quinquagénaire Hello Kitty au célèbre maneki-neko, en passant par les chats du studio Ghibli. Ils sont enfin logiquement des muses pour de nombreux photographes japonais, de Chiro, le chat mourant de Nobuyoshi Araki, à Sasuke, le chat perdu et retrouvé de Masahisa Fukase.
Prenons l’exemple de Shoji Ogawa 3, dont la photographie de portrait d’un chat orne la couverture du livre Neko. Cette photo couleur d’une tête de chat, de face, en gros plan, regardant fixement l’objectif de ses grands yeux jaunes, nous touche par son expressivité. Le regard de ce chat nous impressionne par sa quasi « humanité ». Chacun peut y lire une sorte de résignation contemplative. Car les chats photographiés par Shoji Ogawa ne sont pas les gros matous des maisons, dorlotés par leurs maîtres. A l’instar des sans-abris ou des petites gens photographiés sur le vif par Shoji Ogawa, ce sont des chats errants, souvent mal en point, aux portraits « volés » dans la rue, lorsque leur route a croisé celle du photographe, au détour d’une ruelle de la ville d’Osaka. D’où le titre de sa série : Nekojigoku, l’enfer des chats…
La photographe Hiromi Kakimoto (垣本泰美) 4 a proposé pour Neko Project une série intitulée Nekomata. Cette série en couleur trouve ses racines dans l’intérêt de l’artiste pour les histoires, les mythes et les légendes se cachant toujours derrière la narration d’une image. Hiromi Kakimoto s’est penchée sur le folklore nippon mettant en scène des chats. Il est dit que les gros chats dotés d’une longue queue, passés un certain âge, peuvent se transformer en nekomata, littéralement "chat à la queue fourchue", une créature surnaturelle au caractère mauvais, pouvant jouer de très vilains tours aux humains. Bien loin de l’image kawaï (adorable) que l’on prête aux chats la plupart du temps, les photographies de Hiromi Kakimoto nous montrent l’ambivalence de ce félin tour à tour mignon et effrayant.
Toshiko Hashimoto (橋本 とし子) 5 a proposé pour Neko une série de photographies prises plusieurs années auparavant, liées à ses propres souvenirs. Intitulée Nyah and Shah, ces photos intimes mettent en scène les deux anciens chats de la photographe nommés Nyah (onomatopée japonaise correspondant au "miaou" français) et Shah, d’après le son du premier miaulement entendu du chaton. Nyah et Shah ont débarqué une nuit dans la petite maison en bois de l’artiste, et y ont élu domicile. L’œil attendrie de leur maman humaine d’adoption s’est alors amusé à capturer mimiques et postures sur papier photo, formant aujourd’hui, bien après leur mort, un émouvant souvenir d’un bonheur partagé entre les chats et l’humain.
Neko project est une illustration photographique de cette histoire d’amour ininterrompue entre les chats et les Japonais.
Charlène Veillon
Historienne de l’art. Docteure en photographie japonaise contemporaine
- Site officiel de Neko Project : http://neko-project.com/ + Neko Project, iKi Editions, Sophie Cavaliero
- Cet article est proposé en libre accès sur votre site SUGOI Photo. Kai Fusayoshi : carte féline de Kyôto, par Cecile Laly : https://www.sugoi.photo/bain-darret/kai-fusayoshi-cecile-laly/
- Shoji Ogawa :
https://www.instagram.com/shoji_ogawa/
https://www.instagram.com/shoji_ogawa_unlimited/
https://www.instagram.com/shoji_ogawa_meow/ - Hiromi Kakimoto : http://www.hiromikakimoto.com
- Toshiko Hashimoto : http://neko-project.com/toshiko-hashimoto/
podcast © Charlène Veillon & sugoi.photo